Contexte
Versailles est une ville qu’on associe spontanément aux jardins puisque le château de Versailles est synonyme de jardins de Le Nôtre, mondialement connus et parfaits exemples de jardins à la Française. Versailles abrite également la prestigieuse École Nationale Supérieure du Paysage (ENSP) associée au Potager du Roi.
Versailles en elle-même est une ville particulièrement verte, riche de parcs et jardins et même de forêts (350 ha de forêts domaniales gérées). La surface d’espaces verts gérée est de 86,5 ha, sur une surface totale de la ville de 2618 ha (jardins, squares, pelouses, cimetières, etc.) et le patrimoine arboré est de 20 000 sujets. Pour s’en occuper, la ville mobilise une équipe de 80 personnes et y consacre 3,5 % de son budget.
Une gestion différenciée des espaces verts a été mise en place depuis 2002. Il s’agit de gérer les espaces verts en milieu urbain en développant la biodiversité par le biais de nouveaux aménagements paysagers et de varier les modes de gestion et d’entretien, allant d’un entretien très suivi à un entretien extensif, c’est-à-dire avec le moins d’interventions possibles. La ville a évolué aujourd’hui vers une politique de gestion durable de ses espaces verts en embauchant du personnel en insertion.
Présentation de la démarche
Une démarche zéro phytosanitaire
L’usage des produits phytosanitaires (pesticides, engrais etc.) a été progressivement proscrit depuis 2004 jusqu’à leur élimination totale en 2009 (sauf espaces à contraintes, essentiellement les stades). Cette volonté de ne plus utiliser ces produits, dangereux pour les jardiniers (protégés par des combinaisons, mais les risques demeurent), a été confortée par la publication de deux décrets ministériels en 2006 et 2011 qui en contraignent fortement l’usage. En évitant l’usage de ces produits, on préserve la santé des riverains mais aussi la biodiversité de la faune et de la flore. La préservation des nappes phréatiques en est un autre avantage.
Aucune méthode alternative unique n’était envisageable pour remplacer les produits chimiques mais plusieurs techniques différentes selon les circonstances. Ainsi, pour le désherbage, diverses solutions ont été trouvées comme le désherbage manuel au moyen de binettes ou les brûleurs au gaz et le ré-engazonnement des surfaces en stabilisé. La flore spontanée a aussi parfois été préservée car elle enrichit la biodiversité de la flore. La formation des jardiniers et élus est indispensable et une communication forte auprès des riverains est nécessaire pour faire accepter ce changement, ce qui s’est passé à Versailles.
Fleurissement
Le fleurissement a été redéfini de manière à favoriser la biodiversité. Conçus par les équipes de jardiniers, les 9 960 m² de massifs fleuris sont maintenant plantés à 80 % de vivaces, c’est-à-dire de plantes pérennes vivant plus de deux ans. Les jardiniers évitent ainsi un travail de replantation annuelle et peuvent varier les types de massifs fleuris. En effet, auparavant, un seul type de fleurs les composait. Cette diversité florale profite directement aux abeilles des quatre ruches qui ont été installées au cimetière des Gonards à partir de mars 2011.
Gestion de l’eau
Pour utiliser les ressources en eau de manière optimale, plusieurs actions ont été menées. Tout d’abord, 8 bâches ont été installées pour récupérer l’eau souterraine disponible localement. Les services municipaux récupèrent ainsi 150 m³ d’eau par jour qui sert à l’arrosage des espaces verts et à la propreté des trottoirs et leur garantit leur autonomie. Pour gérer au mieux l’eau disponible, l’arrosage automatique a été proscrit sur l’ensemble des pelouses et parcs. Enfin, des espèces plus résistantes à la sécheresse ont été plantées.
Gestion des déchets verts
La Ville de Versailles récupère 800 tonnes de feuilles chaque année. Elles sont évacuées sur la plateforme de BIO YVELINES SERVICES, une entreprise de traitement et de valorisation des déchets verts employant des personnes en insertion. 100 tonnes de compost et broyat de bois sont ainsi réutilisées et mises à la disposition des professionnels des espaces verts, de l’agriculture et des consommateurs de biomasse.
Une action pédagogique pour pérenniser la démarche
La Ville s’est engagée dans des actions pédagogiques à destination des plus jeunes pour les sensibiliser à l’environnement. Des ateliers d’éco-jardiniers ont été mis en place afin de leur expliquer comment prendre soin des plantes et leur faire comprendre de manière ludique les enjeux environnementaux : 20 écoles bénéficient des animations des 2 éco-jardiniers.
Un projet innovant
Dans le département des Yvelines, seules deux communes n’utilisent plus du tout de phytosanitaires. Versailles s’approche de ce niveau puisqu’il n’y a plus que les espaces à contraintes (enceintes sportives) qui utilisent encore des produits chimiques. Toutefois, cette politique écologique peut être considérée comme pionnière étant donné que seulement 6 autres communes dans les Yvelines sont aussi avancées et Versailles, plus grande ville du département, fait figure d’exemple. Par ailleurs, la démarche de la Ville est plus globale et va bien au-delà de la simple élimination des produits phytosanitaires (gestion de l’eau, gestion des déchets verts, action pédagogique, etc.).
Conditions de reproductibilité
Plusieurs communes des Yvelines ont engagé le processus vers une réduction durable de l’usage des produits phytosanitaires. La démarche est donc viable et peut être adoptée par chaque commune.
Témoignage
Cathy Biass-Morin, Directrice des espaces verts de Versailles, lors du Conseil de quartier des Chantiers de 2009
Pouvez-vous nous expliquer la démarche entreprise ?
« On a arrêté les produits et les engrais chimiques. En 2006, la propreté urbaine nous a rejoint dans ce domaine confirmant un changement de mentalité profond. Les produits chimiques sont une facilité mais aussi un danger pour les utilisateurs. Un décret du 12/09/2006 oblige les collectivités à se passer de ces produits phytosanitaires et le Grenelle de l’Environnement le fera pour les particuliers. (Si on en utilisait il faudrait fermer l’avenue de Paris 48 heures pour permettre les traitements sans risque pour les passants).
Pour ces méthodes alternatives on a maintenant 5 ans de recul. Pour cela on a formé jardiniers et secrétaires pour fournir des réponses cohérentes (70 agents formés).
Pour remplacer le chimique il faut mixer plusieurs techniques :
- désherbage manuel à la binette ;
- désherbage thermique au gaz propane qui, certes, rejette du CO2, mais qui évite l’emploi d’un tracteur à mazout polluant ;
- désherbage par la balayeuse mécanique (Procédés que l’on avait abandonné) ;
- ré-engazonnement naturel ce qui induit un changement de mentalité qui amène à accepter la pousse spontanée de la verdure.
Il faut rechercher des solutions nouvelles : par exemple enlever deux rangs de pavés pour y planter des roses trémières comme dans le quartier Saint Louis. »
Y aura-t-il un envahissement du gazon par des mousses ?
« C’est effectivement possible mais cela reste très esthétique, et je dirais même que c’est tendance ! On fait même des tapis de mousse ; cela maintient l’humidité comme les feuilles des arbres qui font arches et abaisse la température de 3 degrés à Versailles par rapport à Paris. »
Que se passe-t-il quand on fait des travaux de réfection ?
« C’est prévu, les entreprises réensemencent avec nos semis. »
Faut-il arroser ?
« Non ; je ne vais pas renouveler le bail d’arrosage. On privilégie l’arrosage des jeunes arbres ; sinon la rosée du matin fait des miracles. Il faut aussi bien choisir les arbres : le châtaignier se dessèche, le charme et le hêtre sont en train de mourir à cause des étés chauds. Il ne faut donc plus en planter. De plus on dispose de bâches souterraines d’eau non potable, de récupération d’eau de source, avec laquelle on peut arroser même quand il y a interdiction préfectorale ; on peut aussi s’en servir pour l’assainissement et nous avons eu des subventions de l’agence de l’eau pour les installer. Nous bénéficions d’environ 150 m³ par jour d’autonomie soit 30 000 € d‘économie puisque qu’il s’agit de récupération de l’eau qui avant partait aux égouts. Ce processus a été lancé depuis dix ans. »
Informations clés
Coûts
Budget espaces verts :
1 312 000 € (852 000 € fonctionnement, 460 000 € investissement), soit 3,5 % du budget de la ville
Économies réalisées :
- 14 000 € sur le traitement des arbres
- 8 000 € sur l’achat de produits phytosanitaires
soit 22 000 € d’économies au total par an.
Coût de la démarche :
- Embauche de personnel en insertion : 20 000 €
- Achat de 6 désherbeurs thermiques : 12 000 € sur 5 ans soit 2 400 € / an
- Achat de 45 bouteilles de gaz propane par an : 630 €
soit 23 030 € au total par an.
soit surcoût de la démarche zéro-phytosanitaires : 1 300 € / an (moins de 0,1 % du budget total)
Bilan environnemental
- Préservation de la biodiversité
- Préservation des nappes phréatiques
- Préservation de la santé des agents et des riverains
- Gestion écologique des déchets
Prix et distinctions
- 2004 : Prix national de l’arbre
- 2006 : Prix national des jardins partagés
- 2007 : Prix de l’environnement pour la gestion durable des services
- 2009 : Prix de l’environnement pour la gestion de l’eau
- 2010 : Concours départemental des villes et villages fleuris : 3ème fleur