Contexte
Avec un doublement en 40 ans de la quantité de déchets ménagers produits (1 kilo par jour et par habitant), l’enjeu environnemental qu’ils posent est plus que jamais d’actualité. Il devient en effet difficile de créer de nouvelles infrastructures alors que, par ailleurs, le coût de traitement, contraint par des normes toujours plus sévères, explose : il est passé de 75 euros la tonne en 1994 à 150 euros la tonne en 2004. C’est pourquoi le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif de baisse de 7 % des déchets ménagers d’ici 2015.
Dans ce contexte, le compostage peut apporter une partie de la solution pour les déchets organiques, qui représentent 29 % des déchets ménagers. Ce processus aérobie transforme des déchets organiques mélangés aux déchets végétaux en un produit fertilisant appelé compost. Il est donc particulièrement indiqué pour réduire les déchets organiques à la source plutôt que de les traiter sans valorisation. Il s’agit d’une pratique désormais courante pour les particuliers disposant de jardins et qui se développe fortement.
Dans le cadre de son Plan Local de Prévention des Déchets (PLPD), engagé en partenariat avec l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), la Communauté de Communes de la Boucle de la Seine (CCBS : Carrières-sur-Seine, Chatou, Croissy-sur-Seine, Houilles, Montesson, Sartrouville, Le Vésinet) a souhaité innover en encourageant le développement de cette pratique dans l’habitat collectif, qui représente 60 % du parc immobilier du territoire et présente donc un fort potentiel pour le compostage.
Présentation de la démarche
Historique
Depuis 2010 et désormais dans le cadre de son PLPD, la CCBS promeut le compostage en habitat individuel en permettant aux particuliers de s’équiper à moindre frais, déduction faite des subventions de l’ADEME et du Conseil Régional d’Ile-de-France, en bacs à compost (coût unitaire de 11 euros à 30 euros par bac en fonction de sa contenance et du matériau utilisé) fournis par les sociétés Emeraude (composteurs bois) et Beauvais Diffusion (composteurs plastiques). A ce jour, 2 462 foyers individuels ont bénéficié de ce programme (2 565 en comptant les foyers compostant en pied d’immeuble), pour un objectif à horizon 2016 de 8 000 foyers équipés, soit 30 % des maisons avec jardins du territoire.
Pour aller plus loin dans cette démarche, la CCBS a souhaité soutenir le compostage en habitat collectif, beaucoup moins développé mais dont le potentiel est très fort : de par la densité de population et leur prédominance dans les villes, les immeubles sont en effet la source de masses considérables de déchets organiques potentiellement recyclables. En 2012, la collectivité a ainsi été la première d’Ile-de-France à soutenir l’accès à ce mode de recyclage aux habitants des résidences collectives.
Engagement des opérations
Les habitants ont été informés de cette initiative dans le cadre d’animations proposées par les sept communes de la CCBS (Semaine Nationale du Développement Durable, Semaine Européenne de la Réduction des Déchets, animations liées au jardinage, journées de récupération des sapins de Noël, etc.) et par la diffusion d’annonces dans les magazines municipaux et celui de l’intercommunalité (« La Boucle »). Chaque projet se met en place sur la base du volontariat, à l’initiative de quelques résidents d’un immeuble, d’un bailleur ou d’un syndicat de copropriétaires invités à prendre contact avec le service environnement de la CCBS pour engager la démarche. Cette première prise de contact se poursuit par une visite technique de l’immeuble par le maître composteur de la CCBS afin d’évaluer son adaptabilité à l’implantation d’un bac à compost (surface minimale en espaces verts pour sa valorisation, place suffisante pour installer le ou les bacs, etc.). Suite à ce diagnostic, s’il est positif, les résidents volontaires sont chargés de convaincre un nombre suffisant de foyers de participer à l’opération afin d’en assurer la pérennité. Pour appuyer leur démarche, une plaquette d’information est mise à disposition de ces référents par la CCBS. Si le principe du bac à compost est approuvé par le conseil syndical, il est convenu d’une date d’installation.
Principe de fonctionnement
Lors de l’installation du ou des bacs, une formation courte (3/4 h maximum) est proposée à tous les participants. Ces derniers sont invités à signer une charte d’engagement, moins contraignante qu’un contrat car fondée sur le volontariat. Pendant les 6 à 8 mois suivant l’installation, des agents de la CCBS viennent régulièrement visiter la résidence pour contrôler le bon fonctionnement de l’opération. Une formation plus poussée d’une demi-journée est dans un second temps dispensée aux référents pour consolider l’autonomie de l’opération. Le compost produit (environ 10 % du volume déposé dans le composteur) est quant à lui utilisé comme amendement par les habitants pour l’entretien de leurs jardinières et plantes d’appartement ainsi que pour les espaces verts de l’immeuble. Il convient à toutes les plantations : il structure durablement le sol, apporte les éléments nutritifs nécessaires au développement des végétaux et limite l’évaporation en retenant l’eau et en freinant l’érosion des sols. A ce jour, 9 opérations ont été engagées à Carrières-sur-Seine, Croissy-sur-Seine, Chatou, Montesson, Houilles et Sartrouville.
Expériences en établissements publics et aspects pédagogiques
Des expérimentations ont également été engagées dans des établissements publics selon le même schéma que pour l’habitat collectif. Le centre de loisirs « Les Princesses » et la crèche « Les Charmettes », implantées au Vésinet et dernièrement (avril 2014) la crèche « Arc en Ciel » de Montesson ont recours au compost pour recycler les restes de repas. Un composteur a par ailleurs été récemment installé à la Maison de la Jeunesse et de la Culture (MJC) de Sartrouville pour recycler les déchets organiques produits lors des ateliers « rencontres culinaires » ou d’autres événements festifs. Le volet pédagogique a été particulièrement développé dans les écoles. Ainsi, l’école des Merlettes, au Vésinet, encourage les élèves de CP et CE2 à apporter des déchets organiques de chez eux pour en assurer le compostage dans l’établissement scolaire. Des démarches en ce sens devraient prochainement être engagées par les écoles Maurice Berteaux (Carrières-sur-Seine), Jean Rostand (Chatou) et « Les Apprentis d’Auteuil » (Le Vésinet)
Témoignage
Céline CEYTAIRE, chargée de prévention des déchets – Responsable de la promotion du compostage domestique à la CCBS et Maître composteur
Quel bilan pouvez-vous faire de ce projet ?
« Avec bientôt 10 immeubles engagés dans ce type d’opération depuis 2012, il est encore un peu tôt pour mesurer l’impact de réduction des déchets fermentescibles sur les ordures ménagères. Cependant, le parc immobilier de notre territoire est composé à 60 % d’habitats collectifs et on peut donc imaginer que cette action élargie à de nombreux sites permettrait de capter un gisement conséquent. Par ailleurs, pour soutenir nos efforts et pour atteindre les objectifs nationaux de recyclage, nous envisageons de mailler le territoire d’animateurs bénévoles qui seraient formés Guides Composteurs. Nous avons également développé des outils de sensibilisation, notamment un espace de démonstration (en partenariat avec la ville de Croissy-sur-Seine et l’association de jardinage « Les Amis des Jardins Croisillons ») où seront proposées, tout au long de l’année, des animations visant à faire la promotion des techniques de jardinage naturel comme le compostage, le broyage et le paillage ».
Quelles sont les éventuelles contraintes et nuisances à anticiper ?
« La principale contrainte à anticiper est celle de l’autonomie et de la pérennité des démarches engagées, qui reposent essentiellement sur la volonté des habitants et des référents. D’où l’importance de la sensibilisation et de la formation en amont, ainsi que de la charte d’engagement qui, sans être contraignante, responsabilise cependant les volontaires. Il n’y a pas vraiment de nuisances lorsque les apports sont correctement équilibrés. C’est pour cette raison que sont autorisés les seuls déchets facilement compostables : épluchures, fleurs fanées, sachets de thé, marcs de café, sopalin, etc. Sont en revanche interdits les viandes, poissons, pains ou fromages qui se compostent plus difficilement, sentent mauvais et attirent les espèces nuisibles comme les rats. Il arrive durant les beaux jours que des moucherons s’installent dans le composteur ; cela est normal car ils participent à la dégradation de la matière. Une couche de matière sèche sur les derniers apports permet de réduire ce développement ».