« Le citoyen moderne est devenu un piéton multimodal »
Le jury spécialisé dans le soutien à l’innovation et co-présidé par Jean-Marie Duthilleul, architecte membre de l’équipe de Jean Nouvel pour la consultation du Grand Paris, et Philippe Aussourd, le président de l’Avere-France (association pour le développement du transport et de la mobilité électriques) – a été chargé de sélectionner et d’auditionner les candidats.
En novembre 2011, ils ont répondu à quelques questions croisées.
– Pourquoi avez-vous accepté de coprésider le jury de l’appel à projets « véhicule intelligent – ville du futur » et qu’en attendez-vous ?
Philippe Aussourd, Président de l’AVERE France : « Je suis absolument ravi et fier de participer à un tel projet. C’est la première fois qu’une initiative de ce genre émane d’un département. Ce qui m’a plu dans la démarche du Conseil général des Yvelines, c’est sa façon de faire un appel à concept intégré engageant de vraies innovations dans le domaine de l’intégration des systèmes de mobilité. On veut mettre en germe des choses nouvelles. Il faut donc attendre des candidats un pas de plus dans le chemin qui nous mène vers la nouveauté. Avec des solutions d’intégration astucieuses, simples, de bon goût et pratiques. Et je suis sûr qu’il va y en avoir. »
Jean-Marie Duthilleul, architecte-ingénieur et consultant du Grand Paris : « Je tiens à saluer la politique industrielle du Conseil général des Yvelines. Avant, les collectivités regardaient passer le train (ici les voitures) ; là, elle prend les choses en main en amenant cet élan vers l’avenir. C’est une utilisation de l’argent du contribuable très intelligente car gouverner, c’est prévoir et anticiper ce qui va se passer. La présence du Département donne une autre dimension au projet. Au premier abord, on pourrait se demander ce que fait un architecte dans un jury pour un véhicule électrique. Mais comme je travaille particulièrement sur la ville et le mouvement dans la ville, j’ai été très heureux qu’on m’ait demandé de participer à cette aventure. J’espère y repérer un certain nombre de projets capables d’amener un changement profond. »
– A quoi ressemblera, selon vous, la ville du futur ?
J-M.D. : « On sait déjà que, dans l’usage, la voiture est en train de changer. Aujourd’hui, la vitesse ne compte plus ; c’est le confort – une sorte de loft capable de passer de deux à sept sièges en dix secondes – qui prime. Le citoyen moderne est devenu un piéton multimodal qui prend tour à tour, au gré de ses besoins et de ses envies, le bus, le métro, le vélo, le tram ou la voiture. La ville résulte d’une multiplicité de micro-actions et réactions mais ce qui la fait surtout évoluer, c’est la façon dont les gens la pratiquent. A nous, architectes, d’accompagner ces nouveaux modes de vie en offrant des espaces plus nobles et plus appropriés. »
P.A. : « Je n’ai pas d’idée claire de la façon dont la société va évoluer dans les cinquante prochaines années. On ne sait pas si elle va tourner ultralibérale, ultra bobos-frileux, ultra-écolo ou ultra-retour à la terre. Elle va sans doute être un peu des quatre à la fois et dans ce cadre là, les concepts de transport vont radicalement changer. Nos habitudes de fonctionnement aussi. L’exemple du téléphone portable et d’Internet le prouvent. De toute façon, l’homme est un animal qui se déplace énormément. Il se déplacera donc toujours… mais autrement. »
– Quelle sera la place de la voiture dans ce nouvel environnement ?
P.A. : « Elle sera un outil de déplacement d’une autre nature. On le voit avec les jeunes générations pour qui la propriété de ce moyen n’est plus essentielle pour le statut social. La voiture sera perçue comme un simple moyen de se mouvoir. C’est pourquoi le concept de véhicule partagé – mais en tout électrique – pourrait se développer. Par ailleurs, on aura des véhicules plus petits et à terme très différents à l’œil. Par exemple, sachant que le chauffage consomme beaucoup dans les voitures électriques, pourquoi ne concevrait-on pas des carrosseries avec de l’isolation sur le pavillon et des doubles vitrages ? Dans deux ou trois décennies, tout sera sans doute différent. »
J-M.D. : « On vit un moment de mutation où le véhicule va avoir une relation nouvelle avec la ville. On a donc l’occasion de pouvoir recomposer cette dernière autrement, autour de tous les nouveaux modes de transport qui surgissent. On l’a vu avec la résurrection du tramway il y a quelques années ; aujourd’hui, c’est la voiture qui change complètement : dans son mode de propulsion, mais aussi dans son rapport à l’environnement et dans le fait qu’elle pourra bientôt se conduire toute seule. » « On sait déjà que, dans l’usage, la voiture est en train de changer. Aujourd’hui, la vitesse ne compte plus ; c’est le confort – une sorte de loft capable de passer de deux à sept sièges en dix secondes – qui prime. Le citoyen moderne est devenu un piéton multimodal qui prend tour à tour, au gré de ses besoins et de ses envies, le bus, le métro, le vélo, le tram ou la voiture. La ville résulte d’une multiplicité de micro-actions et réactions mais ce qui la fait surtout évoluer, c’est la façon dont les gens la pratiquent. A nous, architectes, d’accompagner ces nouveaux modes de vie en offrant des espaces plus nobles et plus appropriés. »