Plus de 80 personnes ont assisté samedi 14 septembre à Bougival à la première étape de la projection-débat du film « La guerre des cotons ». Dans une économie mondialisée, les pays producteurs d’Afrique de l’Ouest pèsent peu dans les négociations commerciales face à des poids lourds comme les Etats-Unis ou la Chine. Mais les Etats africains ont montré qu’ils étaient capables de s’organiser.
Disproportionné, mais pas perdu d’avance. Voilà comment apparaît le rapport de forces entre les Etats-Unis et les pays producteurs de coton d’Afrique de l’ouest, respectivement premier et deuxième exportateur mondial, dans le documentaire « La guerre des cotons » réalisé en 2005 par Jean-Michel Rodrigo. Entre une production entièrement mécanisée répartie sur 25 000 exploitations, et une culture artisanale qui fait vivre environ 12 millions d’Africains, le contraste est véritablement saisissant.
Il est vrai que la lutte pour les marchés porteurs, essentiellement en Asie du Sud-Est et principalement en Chine, premier consommateur de coton au monde, n’est pas engagée à armes égales : les Etats-Unis continuent d’édicter les règles de qualité qui déterminent les prix proposés par les acheteurs, imposent des quotas aux produits textiles importés et subventionnent massivement leur production à hauteur de 3 milliards de dollars par an afin qu’elle demeure compétitive. Une injustice dénoncée par les pays africains, qui réclament auprès des instances de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) la fin de ces pratiques déloyales, ou pour le moins des compensations qui permettraient d’améliorer les revenus des petits producteurs vivant souvent avec moins d’un dollar par jour. D’autant que le coton ne représente pas uniquement un enjeu économique : il est le trait d’union mémoriel entre les Etats-Unis et l’Afrique, et s’il a été par le passé au cœur de l’esclavage, il peut aujourd’hui être l’occasion d’instaurer un nouveau rapport en jouant sur son potentiel économique émancipateur.
A l’issue de la projection, Alexis Roy, docteur en anthropologie au Centre d’études africaines de l’EHESS, a apporté son éclairage en revenant notamment sur l’organisation de la filière cotonnière au Mali, où la privatisation de la société chargée de la collecte et de l’égrenage de la production est toujours à l’ordre du jour, et a soulevé la nécessité pour les pays africains de s’engager de manière plus volontariste dans des politiques d’infrastructures (la logistique défaillante en Afrique rendant les clients plus réticents) et d’industrialisation afin que cette culture contribue davantage au développement économique et social. Rejoignant les commentaires apportés par les participants, il a estimé risquée la dépendance à la seule culture du coton, compte-tenu des fluctuations des cours mondiaux, et plaidé pour un engagement plus forts des gouvernements sur le terrain, au-delà des discours à l’OMC. Si le commerce équitable peut représenter une niche commerciale que certains pays africains ont commencé à exploiter, la mise sur le marché de semences transgéniques présentées comme plus productives fait naître des craintes sur l’accroissement de la dépendance des pays africains vis-à-vis des sociétés américaines.
Au théâtre du Grenier et en présence du Maire de Bougival Luc Watelle, Teriya Amitié Mali a donné le coup d’envoi des projections-débats consacrées à ce documentaire dont les prochaines étapes sont prévues à Trappes (21/09), Plaisir (24/09) et au Vésinet (3/10). Ces manifestations organisées dans le cadre du programme An Ka Wili, proposé au grand public en prélude aux Assises du 12 octobre, font écho à la conférence qui s’est déroulée le 22 juin dernier à Bamako sur le thème « L’or, le coton et l’artisanat dans l’économie malienne » à l’initiative des acteurs maliens partenaires de coopération des acteurs yvelinois.